retour Accueil Mme Jonot, veuve de guerre

Diplôme d'honneur Vve Jonot (1919)

Diplôme d'honneur Mme Vve Jonot (1919)
© archives familiales

La commémoration du centenaire de la Grande guerre (1914-1918) amène à s'intéresser aux rôles des femmes pendant cette période. Beaucoup se sont retrouvées à devoir assumer seules la charge d'une exploitation agricole, artisanale, ou à travailler dans les usines d'armement, en l'absence de main d'oeuvre masculine. Cette prise de responsabilité qui aurait dû permettre une émancipation de la femme, ne durera que le temps du conflit. Il faudra attendre la fin de la seconde guerre pour que les femmes obtiennent le droit de vote et le principe de l'égalité avec les hommes. Aujourd'hui encore, on s'aperçoit que ces principes ne sont toujours pas acquis pour tout le monde, dans notre pays...

Sous la direction scientifique de Chantal Antier, docteure en histoire et spécialiste de ce sujet, la Délégation départementale aux Droits des Femmes et à l’égalité de Seine-et-Marne organise une exposition itinérante sur le rôle des femmes dans la Grande guerre. Mon arrière-grand-mère, qui a remplacé son mari parti au front où il a été tué, a été choisie, parmi d'autres, pour illustrer ce thème. Sur cette page, je vais détailler son parcours.


Marie « Julienne » JONOT (née POIBLANC)

Julienne Jonot, Henriette et René

Julienne Jonot, entourée de René et Henriette,
dans la cour de la laiterie (vers 1913)
© archives familiales

Naissance aux « Allemands », actuelle commune des « Alliés » (Doubs), près de Pontarlier, le 28 février 1874. Elle est le 13e et dernier enfant d'une famille de cultivateurs.

Avec une soeur, elle vient travailler à Paris où elle sera employée dans une crémerie du 16e arrondissement.

En octobre 1900, elle se marie avec Louis Alexandre JONOT, un livreur de lait, chef d'un dépôt à Clichy. Il vient d'une famille de laitiers de la région de Mantes. Ils auront trois enfants :

En 1905, ils reprennent une crémerie, rue de La Rochefoucauld (Paris 9e). En 1910, Marie Julienne est atteint d'une maladie pulmonaire (grippe infectieuse) due aux inondations. Le médecin recommande l'air de la campagne, ils revendent leur commerce et recherchent une laiterie.

En juillet 1912, ils reprennent la laiterie de Trois-Moulins (Rubelles), près de Melun, créée vers 1889 par la famille Mollereau, puis tenue successivement par Henri de Monfreid et Paul Leclère. Son activité consiste à ramasser, deux fois par jour (matin dès 4h et en fin d’après-midi), le lait des fermes du nord-est de Melun et à le distribuer dans Melun. Une partie est transformée sur place en beurre, crème fraîche, fromage frais, petit-suisse… Le service est assuré par Louis, aidé de sa femme, et par deux ou trois employés. Le travail s’effectue 7 jours sur 7 ; 365 jours par an. Seule pause le dimanche après-midi, occupés à faire les comptes.


En août 1914, Louis Alexandre JONOT est mobilisé, malgré ses 41 ans, ses trois enfants, et son activité.

Julienne et ses filles dans la laiterie

Julienne Jonot, Henriette et Louise, travaillant dans la laiterie
© archives familiales

A Trois-Moulins, il a fallu s'organiser. Les employés sont mobilisés ou quittent l'entreprise pour aller aider leurs propres familles. Des chevaux sont réquisitionnés.

Marie Julienne reste seule pour s'occuper de l'entreprise qui comprend la laiterie et trois maisons de vente (Melun). Elle fournit le lait à deux hôpitaux de la Croix-Rouge, la crèche municipale... La tâche est rendue plus difficile à cause des employés qui ont été embauchés en remplacement et qui ne sont pas au courant du service.

La guerre est toute proche, on entend les grondements des canons de la bataille de la Marne, on craint l'arrivée des allemands.

Début octobre, le régiment de Louis part rejoindre le front de la Somme. Louis tient son journal sur une simple feuille de papier. Le 27 novembre 1914, il est atteint par une balle, à Maricourt (Somme) et décédera avant d'arriver à l'hôpital de Suzanne (voir la page consacrée à Louis Alexandre Jonot).

A 40 ans, pas d’autre choix pour Marie Julienne, aidée de sa fille aînée Louise, d'Henriette et de René, que de continuer l'activité de la laiterie.


Louise Jonot partant en tournée

Louise Jonot partant en tournée (vers 1922)
© archives familiales

A 14 ans, Louise s'occupera des tournées de ramassage, se levant dès 4 heures du matin pour donner à manger aux chevaux, avant de partir chercher le lait dans la campagne environnante. Deux ou trois ouvriers non mobilisables complètent la main d'oeuvre.

Par solidarité, ils accueilleront quelque temps une famille de Montreuil-aux-Lions (Aisne), chassée par la guerre et partie en exode avec le personnel de leur ferme et les animaux.

En janvier 1916, Marie Julienne reçoit une pension de 563 Fr. (JO du 31/01/1916). Après la guerre, elle recevra un diplôme d'honneur, délivré par le Conseil Général le 14 juillet 1919, « pour avoir assumé courageusement la direction de son exploitation et contribué ainsi à la Défense de la Patrie ».

Plus tard, René s'occupera de l'entretien mécanique et participera à la modernisation du matériel et à l'acquisition de véhicules automobiles.

En juillet 1927, ma grand-mère Henriette quitte la maison pour se marier avec un maraîcher de la rue de Trois-Moulins, à Melun, à un kilomètre de là. Ils auront trois enfants.

Pendant la guerre de 39/45, le fils René restera prisonnier en Allemagne. La laiterie continuera à fournir le lait au moyen des cartes de rationnement, malgré la réquisition de plusieurs véhicules.


Louise, René et Julienne Jonot

Louise, René, et Julienne Jonot pour ses 90 ans
© archives familiales

Dans les années 1950, Marie Julienne sera conseillère municipale à Rubelles. Avec d'autres habitants du hameau, ils créent un Comité des fêtes qui fera revivre pendant une quinzaine d’années la fête de Trois-Moulins.

En 1960, ils vendent le fonds de commerce et le matériel de laiterie. Ils conservent leur petit commerce d'épicerie, à Trois-Moulins.

Julienne, décédera à Trois-Moulins, en juin 1973, dans sa 100e année.

Sa fille Louise, décédera, en juin 1995, dans sa 95e année (Henriette en sept. 79 à l'âge de 76 ans et René, en 2001, à l'âge de 97 ans).

Autres pages en relation :


Retour page précedente

retour Sommaire

mise à jour le