Article du Parisien Libéré (édition de Seine-et-Marne) du 28 octobre 1968
Marie-Julienne Jonot (95 ans) et sa fille Louise (67 ans)
Quelle médaille d'or est à la hauteur du mérite d'une veuve de 1914 qui, à 95 ans, continue avec la même conscience le travail qui était le sien dès son adolescence. Cet exemple vivant du courage, Mme Marie-Julienne Jonot, née le 28 février 1874, aux Alliés, dans le Doubs, l'offre chaque jour à ses nombreux clients de Trois-Moulins.
Dès son plus jeune âge, l'alerte nonagénaire, dernière-née d'une famille de 12 enfants dont elle reste la seule survivante, s'offrait à garder les vaches. A peine venait-elle d'entrer dans sa seizième année que Marie-Julienne descendait sur Paris où travaillait déjà une de ses surs.
Aussitôt elle trouvait un emploi dans un commerce de crémerie. A 26 ans, elle épousait le gérant d'une laiterie de Clichy, M.Jonot, qui lui donna trois enfants. Vers 1900, les époux Jonot s'établissaient crémiers rue de La Rochefoucault à Paris où ils restaient jusqu'en 1912, date de leur arrivée à la tête de la laiterie de Trois-Moulins. Quelques années plus tard, la Grande Guerre enlevait son époux à Mme Jonot, la laissant seule avec trois petits, deux filles, un garçon et la lourde responsabilité de l'établissement.
L'énergie de Mme Jonot sut calmer sa profonde douleur et depuis elle ne cessa de lutter pour le bien-être de ses enfants et celui des habitants qui, à aucun moment, aux pires heures de la guerre, ne furent privés de lait.
Cette conduite digne d'éloges lui valut le 14 juillet 1919 de se voir décerner un diplôme d'honneur du conseil général qui trône en bonne place dans le salon, au côté des décorations de M. Jonot. Il est ainsi rédigé : A Mme veuve Jonot qui, en l'absence de son mari alors au front, a courageusement assumé la direction de son exploitation et ainsi contribué à la défense de la patrie .
Aidée de sa fille aînée Louise, la charmante vieille dame aux yeux clairs et rieurs continuera vraisemblablement jusqu'à son centenaire, en 1974, à servir ses clients qui non seulement sont tous des amis mais qu'elle a vu naître pour la plupart. Le travail de la laiterie de Trois-Moulins qui occupait une demi-douzaine d'employés a été cédé le 1er avril 1959 aux établissements Laforge de Melun qui livrent à Mme Jonot le lait qu'elle continue de fournir aux habitants de Trois-Moulins et des environs.
Quand épinglera-t-on la médaille d'or du travail sur la poitrine de cette affable et sympathique doyenne des commerçants de la région et vraisemblablement du département ?
Article de La République de Seine-et-Marne du 3 octobre 1983
Les anciens melunais se souviennent tous de la laiterie fromagerie de Trois-Moulins. L'ancienne patronne, Mme Jonot, a calculé que son établissement avait livré quelques 19 millions de litres de lait à une vingtaine de crèmeries et à 7 écoles melunaises, de 1914 à 1960 ! Par ailleurs cette laiterie avait joué les précurseurs en fabriquant, dès 1912, un Petit Suisse appelé Le Printanier . Nos photos montrent la laiterie il y a quelques dizaines d'années (en haut) et de nos jours (en bas).