retour Accueil Moulin du Roy et laiterie de Trois-Moulins

Article paru dans le “ Bulletin Municipal de Rubelles ” d´après une enquête faite en février 1980 auprès de Mme Louise Jonot par la classe CM2 de Rubelles et Madame Streichert (reproduit sans les illustrations).

A - Le Moulin du Roy aurait plus de 1000 ans

Les premiers documents trouvés sur Trois-Moulins datent de l'an 980 (archives départementales). Mais les moulins ne sont-ils pas beaucoup plus anciens ? Témoin ce mortier romain rose fait de briques pilées que l'on a retrouvé jusqu'au 1er étage des bâtiments du Moulin du Roy et qui existait aussi au moulin du village de Rubelles près du lavoir.
Le roi de France Robert le Pieux possédait toutes les terres environnantes dont Trois-Moulins et Maincy, sauf Melun qui appartenait au Seigneur Eudes. Il a fallu près de 15 ans pour que le Roi entre en possession de Melun vers l'an 1000.
Ce premier moulin qui ne travaillait que pour le roi (d'où son nom, s'est transmis par héritage jusqu'à Henry IV qui le vendit (ainsi que le moulin de Poignet sur l'Almont à Melun) le 7 décembre 1594 au gouverneur de Melun Monsieur de la Grange. Les derniers meuniers furent la famille FROT et le moulin du Roy s'arrêta définitivement en 1889.
Les deux autres moulins en contrebas (sur Melun) tournaient grâce à l'eau du ru qui passait en l'air dans un aqueduc démoli en 1978. Le deuxième moulin s'est arrêté en 1830. Le ru passait sur une sorte de digue à la hauteur des fenêtres du 1er étage de l'habitation. Ce deuxième moulin, aurait été vers 1500, foulon à draps.
Le dernier moulin, à côté de la Maison Rousseau, a brûlé en février 1941, à 2 h. du matin, par une nuit glaciale. Toutes les machines étaient en bois et ce fut la catastrophe. Le Meunier (locataire) était Marius Houard.

B - En 1889, le Moulin du Roy devient laiterie

En 1889, les deux frères Mollereau Adolphe et Emile achetèrent le premier moulin pour en faire une laiterie. Grâce à leur travail, le commerce devint bien vite florissant.
Voitures et chevaux furent remplacés par des camions mais cela n'améliora guère la rapidité du ramassage car ces engins tombaient souvent en panne... et finalement on en revint aux vrais chevaux !!
Adolphe Mollereau, “ marchand laitier âgé de 36 ans ”, eut un fils Robert né à Rubelles le 1ee février 1908 et dont nous avons retrouvé l'acte de naissance calligraphié sur les registres d'état civil de Rubelles. Acte signé entre autres du père, du maire de l'époque Eugène Guillard et du témoin Henri Pouchotte secrétaire de mairie instituteur. (...)

C - L'aventurier Henri de Monfreid à Trois-Moulins

En 1908, le Moulin du Roy - laiterie est acheté par le navigateur et aventurier Henri de Monfreid (tout jeune) aussi incroyable que cela paraisse. Mais sa vocation n'était pas la laiterie. Il le dit lui-même dans son livre “ Le feu de Saint Elme ” (ma vie d'aventures) dont voici un court extrait :

" Je me préparais donc à passer l'examen de Capitaine au long cours quand le père Korn, se disant mon ami, me proposa une petite laiterie au lieu dit de Trois-Moulins, à deux kilomètres de Melun. Les propriétaires, en l'espèce la famille Mollereau, se retiraient après fortune faite en moins de 10 ans !
Il me fit miroiter tous les avantages d'une pareille entreprise, qui en quelques années me mettrait entre les mains un capital suffisant pour armer à la grande pêche à un âge où j'aurais toute la vie devant moi.
De plus, je fus séduit par la campagne d'alentour, verdoyante et fleurie comme elle l'est au mois de juin.
Le matériel comprenait 2 voitures de ramassage du lait, sur 2 tournées, et 2 autres dites " Gervaises " pour la livraison en ville matin et soir.
Les Mollereau étaient deux frères, plus leur femme soit quatre personnes pour se partager la besogne, tandis que moi, j'étais seul avec Lucie. A 5 heures du matin, je devais partir avec une des 2 voitures. De retour à 7 heures, mise en carafes, puis autre départ à 7 heures et demi pour la ville. Retour à 9 heures, et même travail le soir. On revenait à 8 heures du soir, fourbu, les mains sales, pour compter les gros sous.
Voilà à quelle vie de forçat je m'étais condamné ! Elle dura 1 an, jusqu'aux grandes inondations de 1910 qui submergèrent Paris et Melun.
Après les inondations, la moitié de ma clientèle fut perdue, prise par un concurrent qui avait assuré le ravitaillement avec une barque. Au point où j'en étais, à la veille de la ruine, rien ne pouvait s'ajouter à mon découragement. "

D - La laiterie JONOT

Finalement après cette ruine, H. de Monfreid malade fuit Trois-Moulins. L'affaire est rachetée par un nommé LECLERE qui la loua à la famille JONOT en 1912. La laiterie de Trois-Moulins vécut jusqu'en 1960. Il fallut arrêter par manque de lait : les fermes briardes liquidant leurs vaches à tour de rôle pour se consacrer à la culture uniquement.
Madame Louise JONOT nous a raconté son dur labeur. Née en 1901, elle n'avait que 13 ans et venait d'obtenir son certificat d'études quand son père fut tué d'une balle dans la tête, à la guerre, en novembre 1914. Elle était l'aînée de 3 enfants (une sœur de 11 ans 1/2 et 1 frère de 9 ans) et il fallut avec sa mère faire face à tout et remplacer le chef de famille disparu. Le papa heureusement, lui avait appris à conduire les chevaux.
Levée chaque jour à 4 heures du matin, il fallait donner à manger aux bêtes avant le départ des voitures à 5 heures pour la gare de Melun ou 700 litres de lait (35 pots de 20 litres chacun pesant 27 kg) attendaient par tous les temps sur le quai. Ils venaient de Mantes via Paris et devaient être livrés immédiatement dans Melun. Cette tournée était réservée à Mademoiselle Louise.
Mais il y avait aussi chaque matinée, une tournée de 31 km à faire chez 27 fermiers différents (à Sivry-Courtry, Blandy, Champeaux, Fouju, Moisenay etc... mais pas à Maincy ni Rubelles !!) pour ramasser le lait nécessaire aux fabrications quotidiennes.
56 ans de dur travail ! Jamais de dimanche, ni jour de fête ni vacances !
Cela paraît inconcevable maintenant... 16 à 20 heures de travail journalier et jamais assez de sommeil !
Il fallait tout faire, tout surveiller. Par un travail acharné peu à peu, la laiterie prend de l'expansion, et en 1921, la famille JONOT achète l'ensemble.
Aux tournées de ramassage s'ajoutent le “ travail ” du lait et les fabrications. D'abord tout le lait passait au nettoyeur centrifuge puis il y avait, l'écrémage, la pasteurisation, le beurre à faire, les fromages blancs, les cœurs à la crème, les demi-sel et les petits suisses et les livraisons de tout cela.
Chaque jour Madame Louise Jonot goûtait les 100 bidons de 20 litres qui arrivaient afin que la qualité du lait soit irréprochable. Si les employés trouvaient le couvercle d'un de ces pots, placé en travers, ils savaient que ce lait douteux devait être mis de côté.
En avril - mai 400 litres de lait étaient transformés en fromage blanc chaque jour. Dans des bassines de 50 litres de lait tiédi à 26º, on mettait une cuillère à café de présure. Les livraisons se faisaient :
- aux crémeries de Melun,
- aux écoles Jeanne d'Arc et Sainte Marie
- au collège Jacques Amyot (garçons)
- au collège de filles rue René Pouteau
- aux écoles normales.
“ En cinquante ans, mes enfants, pas un jour Melun n'a manqué de lait !  ” II faut entendre avec quelle légitime fierté Madame Louise nous dit cela.
En 1947 la famille JONOT reçut le Mérite Agricole : “ Et le plus beau jour de ma vie ce fut en 1953 lorsque la laiterie JONOT reçut un diplôme de la Préfecture parce que la maison fournissait les meilleurs laits de Seine-et-Marne. ”

REMERCIEMENTS :

Nous tenons à exprimer toute notre vive gratitude à Madame JONOT, pour sa gentillesse, sa patience, la qualité de ses souvenirs et de ses explications et pour les documents originaux qu'elle a bien voulu prêter afin de permettre l'illustration de cet article. Nous lui adressons à l'heure où nous mettons sous presse tous nos souhaits de meilleure santé et de bon rétablissement.

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