Léa Clodomir Jonot naît en 1882 à Bréval (Seine-et-Oise) au hameau de “ la Butte ”. Il est le 6e fils de la famille, le plus jeune. Il a 25 ans d'écart avec son aîné, 9 ans d'écart avec Louis Jonot.
Il se marie avec Aline Magny à Longnes (Seine-et-Oise) en 1909, il est alors laitier à Bréval. Ses témoins sont : son frère aîné Aristide Eugène, laitier à Malesherbes, et mon arrière-grand-père, Louis Jonot.
2 fils naissent à Paris (1910 et 1912) : Marcel et Henri. Sa fille, Aline (Léa), naît à Longnes en mars 1914, il est agriculteur à cette époque à Mirbel, un hameau de Longnes.
Photo du couple extraite de la photo de groupe lors de leur mariage en 1909.
© archives Jonot
Sur cette carte postale (photo prise vers 1905) envoyée par son fils Marcel à ma famille après une visite à la tombe de Léa Jonot (1915 ?).
La croix indique probablement que Léa (décédé) est le personnage central de la photo.
© archives Jonot
Lors de la mobilisation, le 2 août, il rejoint le 39e Régiment d'Infanterie à Rouen.
Il part probablement avec son régiment, dès le 5 août en direction de la Belgique. Ils y entrent le 17 août ; ils participent aux combats de : Charleroi (21 août), Guise (29 août).
Débordées par l'avancée rapide des Allemands, les armées reculent et tentent d'arrêter l'ennemi qui s'apprête à contourner Paris. C'est la première bataille de la Marne, la plus importante.
Le Régiment de Léa participe à une grande offensive, près d'Esternay (Marne) les 6 et 7 septembre, soit à peine plus d'un mois après le début de la guerre. Ils réussissent à faire reculer les allemands et libèrent le village d'Escardes (Marne). Les combats pour faire reculer l'ennemi continuent et le 9 septembre (date officielle), Léa Jonot disparaît au combat.
Cette date me pose un petit problème : d'après le Journal de marche (JMO) du régiment, il n'y a pas eu de pertes ce jour là. Par contre, la veille, il y a eu 6 tués, 56 blessés, 30 disparus. Dans d'autres documents familiaux, la date est le 11 septembre...
Sa famille attend des nouvelles qui ne viennent pas. Louis Jonot, dans une lettre à sa femme, s'inquiète de ne pas avoir de nouvelles depuis 3 semaines : “ Bueil le 17 septembre 1914 [...] J'ai été mardi voir grand-mère [Bréval]. [...] Pendant que j'y étais j'ai été voir Aline et la mère Magny. Aline travaille comme un cheval malgré les enfants, c'est elle qui a fauché à la machine une partie de son avoine, elle ne sait plus que faire de ses 2 chevaux, et elle en a un que personne n'ose plus atteler il est devenu méchant à rien faire ; ses enfants sont en bonne santé, sauf le 2e que j'ai trouvé un peu pâlot. La mère Magny a beaucoup changé, elle n'est plus fraîche et grosse comme elle était ; elle se tourmente beaucoup, Léa n'a pas donné de ses nouvelles depuis 3 semaines, la dernière lettre qu'il a écrite venait de Rouen, mais il n'y est certainement plus maintenant. [...] ”
Il ne sait pas que Léa est déjà mort depuis 1 semaine.
Le fait d'être au front n'empêche pas Louis Jonot de penser à son frère. Cependant le doute s'installe : “ 3 9bre 1914 [3 novembre] Chère Marie Je viens de recevoir une lettre d'Aline, elle est toujours sans nouvelles de Léa, je crains qu'il ne soit mort car même prisonnier il aurait pu je crois donner de ses nouvelles. [...] ”
La nouvelle lui sera confirmée par la femme de Léa, comme il l'indique à sa femme dans 2 lettres : “ Le 7 9bre 1914 [7 novembre]
Chère Marie.
Peut être saurez vous l'affreuse nouvelle quand cette lettre vous parviendra la mort de Léa est un fait accompli, je le redoutais déjà à Bueil, mais n'osais en faire part à personne car quelle qu'ai été sa situation, il aurait toujours donné signe de vie. Il n'a plus rien à désirer le malheureux, mais cette pauvre veuve et ses enfants quelle triste réalité et que de peine seule dans sa situation et ses enfants trop jeunes pour espérer continuer sa culture et les élever en travaillant mais c'est là, la seule chose que l'on peut attendre de cette guerre qui n'avance guère contrairement aux premières idées que l'on s'en était faites. Quel deuil cruel pour notre pauvre mère à la fin de sa vie cela va peut être l'achever. [...] ”
“ Maricourt le 24 novembre 1914 Chère Marie, [...] Quant à la mort de Léa c'est Aline qui me l'a écrit, vu que quelques jours avant, je lui écrivais qu'il ne fallait pas désespérer que Léa pouvait être prisonnier ou malade gravement, bien qu'en moi même je n'avais guère espoir, ce que je lui en disais c'était pour la consoler, aussi en m'informant de sa mort elle ne faisait que donner suite à la lettre que je lui avais écrite et dans sa douleur elle n'a pas réfléchi à la peine qu'elle causait. Console-toi donc c'est pour nous tous un mauvais passage, mais je ne désespère pas d'être bientôt débarrassé bien que nous n'ayons aucune nouvelle pouvant nous en donner la certitude. [...] ”
Courgivaux (Marne). - Tombe commune (Nord-Est du Village) où reposent 71 des Soldats français tombés au champ d'honneur, les 6 et 7 septembre 1914.
© archives Jonot
Texte ajouté sur la carte :
“ C'est dans cette tombe que repose Léa Jonot avec 70 de ses camarades ”.
Au dos : “ Ma chère soeur, j'ai accompli ce pénible voyage aujourd'hui.
Leurs tombes sont très entretenues mais c'est bien triste de les voir seuls dans les champs.
Je vous embrasse bien, ainsi que Louise. A Jonot ”.
(Aline, sa femme, à mon arrière-grand-mère, sa belle-soeur)
Après l'annonce du décès de leurs maris, il faut rechercher le lieu de sépulture du défunt. Aline ira probablement dès la fin des combats (1915 ?). On lui indique une tombe commune dont elle envoie la photo dans la famille.
Une fois la guerre terminée, elle entame les démarches pour ramener le corps dans leur village. C'est à ce moment que le doute survient. Lors de la levée du corps, rien n'indique l'identité des victimes. La décision est alors prise de laisser le corps dans la tombe commune, qui sera ensuite transféré à la nécropole nationale de Courgivaux.
Monument élevé à Courgivaux (Marne). Son nom, sans le prénom, est gravé sur cette colonne en pierre rose, surmontée d'un coq en bronze.
© archives Jonot
La vie continue, il faut s'occuper de la ferme. Les enfants grandissent, aident aux travaux. La fille deviendra religieuse.
Un peu plus tard la famille se retire vers Evreux. Marcel, que j'ai connu, travaillait dans une laiterie/fromagerie de la Société des “ Fermiers Réunis ” à Authou (27). C'est lui, le premier, qui m'expliqua le lien entre la famille Jonot, la société Jonot & Cayron et la “ Société Anonyme des Fermiers Réunis ”. A l'époque, je n'étais malheureusement pas encore intéressé par ce sujet...
Photo vers 1929 : Mirbel (Longnes), un des fils conduit le tracteur avec sa mère à l'arrière.
© archives Jonot